Je reviens sur l'intérêt des pentes élevées pour protéger les haut-parleurs.
L'idée première est que les pentes élevées sont nécessaires pour filtrer les compressions afin de les protéger, permettant de les utiliser au plus proche de leur fréquence de résonance.
Notons dans un premier temps que la littérature académique est constante sur ce sujet dont les conclusions se résument à : le 1ᵉʳ ordre (6 dB/oct) n'offre quasi aucune protection pour une compression, le deuxième ordre (12 dB/oct) est minimal, les 3ᵉ et 4ᵉ ordres (18/24 dB/oct) sont courants en sonorisation de puissance pour limiter la casse.
Mais, qu'en est-il des ordres plus élevés, objet de la remarque ci-dessus (>= 48 dB/oct) ?
Kro a étendu le concept de pentes élevées aux haut-parleurs à radiation directe et a montré que dans un cas courant d'un tweeter, les fortes pentes (LR8, soit 48 dB/oct) conduisent au contraire à la casse du haut-parleur. Son critère porte sur l'élongation de la membrane.
Pour en comprendre la raison, on peut comparer les réponses des deux filtres suivants : LR4 (24 dB/oct. courbe bleue) et LR16 (96 dB/oct. courbe rouge), tous deux de fréquence de coupure fc 1 kHz :
Pour les fréquences f inférieures à fc le LR16 atténue bien plus le signal. Mais, pour les fréquences justes supérieures à fc, c'est le LR4 qui atténue le mieux le signal. Et, il se trouve que dans cette bande l'élongation peut dépasser la valeur limite.
Revenons aux compressions. Le cas de compressions avec pavillon est très différent du cas de haut-parleur à radiation directe.
Tous les haut-parleurs voient l'excursion de la membrane augmenter plus on se rapproche de leur fréquence de résonance. Mais, dans le cas de compression, un phénomène vient amplifier cette excursion : le pavillon.
En effet, quand on cherche à utiliser une compression le plus bas possible, on l'utilise avec des fréquences proches de la fréquence de résonance et on fixe la fréquence de coupure du pavillon dans cette même zone.
Or quand la fréquence se trouve inférieure à la fréquence de coupure du pavillon, la membrane n'est plus chargée (la résistance acoustique de la gorge tend vers zéro). Ceci a pour effet d'augmenter le courant dans le circuit électrique qui schématise l'acoustique du système HP+pavillon. Ce courant est le débit du diaphragme. Il en résulte une augmentation de l'excursion de la membrane.
Il n'y a pas d'outil standard qui permette de calculer l'élongation du diaphragme d'une compression filtrée, car HornResp ne permet pas d'implémenter des filtres. J'ai donc réalisé à cette fin un script Scilab qui lit la courbe de déplacement du diaphragme générée par HornResp et applique un filtre LR d'ordre N :
Filtre.sce
J'ai pris le cas réaliste d'un pavillon de graves qui fonctionne dans la bande 50 Hz-250 Hz, qu'on cherche à filtrer le plus bas possible. La fréquence de coupure du filtre est au plus proche de celle du pavillon, soit une fc à 55 Hz.
Voici la simulation HornResp :
L'élongation de la membrane :
Cette courbe est typique de ce type de système. On constate des oscillations de l'élongation proches de la fréquence de coupure du pavillon dues aux oscillations de l'impédance acoustique de la gorge. On constate de plus une forte excursion de la membrane dès que la fréquence devient inférieure à cette fréquence de coupure.
Voici ce que donne l'excursion filtrée avec des filtres allant de LR2 à LR16 :
On constate que les filtres LR2 et LR16 sont les moins bons. Le LR2 parce que l'excursion n'est pas suffisamment atténuée au-dessous de fc et le LR16 pour les mêmes raisons mais au-dessus de fc. On se trouve donc dans le cas d'un compromis entre ce qui se passe en dessous et au-dessus de fc. Le meilleur filtre dans cet exemple est le LR8 (48 dB/oct.).
Les filtres à très forte pente ne protègent donc pas la compression.
Xavier fait judicieusement remarquer qu'il faut utiliser les fortes pentes en deçà de fc. On peut effectivement faire ce qu'on veut en ce qui concerne l'amplitude du filtre avec un filtrage FIR tout en restant à phase linéaire. C'est ce qui est représenté dans les deux filtres suivants :
En bleu, un LR16 et en rouge j'ai pris la combinaison d'un LR2 avec un brickwall facile à simuler. La combinaison est meilleure sur toute la bande de filtrage.
Si l'on applique maintenant ce filtre au système HP+ pavillon, précédent, voici ce que l'on obtient :
C'est ce filtre qui protège le mieux la compression.
Quelle conclusion apporter ?
Dans le cas de haut-parleurs à radiation directe, des filtres à forte pente LR d'ordre N>16 ne sont pas recommandés, pouvant conduire à la casse du HP. Merci à Kro d'avoir soulevé ce problème. Le problème se situe pour les fréquences au-dessus de fc.
Dans le cas de compression, la forte remontée de l'excursion en dessous de la fréquence de coupure du pavillon conduit à ce que ce problème apparaisse en dessous de fc. D'où la nécessité de pentes élevées (48 dB/oct.). Mais, le même phénomène que pour les haut-parleurs à radiation directe apparait au-dessus de fc pour des filtres très élevés (>=LR16).
La combinaison d'un LR2 avec un filtre brickwall pour l'exemple permet de résoudre les deux problèmes. Cependant au-dessus de fc on se retrouve avec une faible pente ce qu'on cherchait à éviter en utilisant justement des filtres FIR.
Cependant, je relate les propos pragmatiques de Julien : dans le cas d'écoute domestique, la casse n'est pas vraiment un problème. Ils ne peuvent seulement apparaître que dans les très grandes salles fortement absorbées.